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5 mars 2016 6 05 /03 /mars /2016 17:04

Bonjour les amis,

Ce billet est la suite de celui que j' ai consacré à l' échec de la formation d' un gouvernement plus de 60 jours après les élections législatives.

http://alea-jacta-est.ex-posteur.over-blog.com/2016/03/les-socialistes-espagnols-vont-devoir-tenter-le-grand-ecart-coute-que-coute.html

Souvent j' essaie d' expliquer à mes amis français la complexité de la situation politique espagnole sans vraiment y parvenir.Je vais essayer d' apporter des éléments qui permettent de mieux la saisir.

D' abord, il faut bien comprendre que la dernière législature a comporté deux élements dont les effets ont été dévastateurs.

1- la mise en place des politiques d' austérité dictées par Bruxelles pour que ce pays puisse bénéficier d' un plan de sauvetage de 110 milliards d' euros.

2- Les révélations quasi incessantes de scandales financiers liés à la corruption qui frappe principalement le parti au pouvoir.Il ne s' agit pas de cas de personnes isolées mais de trames politiques organisées qui drainaient de manière systématique l' argent public et qui ont enfoncé le pays dans une crise profonde.

De ces 2 énormes problèmes ont surgi 2 nouvelles forces, PODEMOS à gauche et CIUTADAN'S à droite qui ont fait de la lutte contre la corruption leur cheval de bataille.

Les dernières élections ont confirmé la percée de ces 2 partis, et le pays s' est retrouvé avec avec 4 partis qui font grosso-modo jeu égal.Une situation inédite qui plonge le système politique dans l' impossibilité de former un gouvernement.

Mais ce n' est pas tout.Il y a le poids des partis régionalistes qui vient compliquer encore un peu plus la donne.

Je vais me lancer dans une comparaison qui vaut ce qu' elle vaut pour essayer de vous illustrer mon propos.

Essayez d' imaginer, cher lecteur français, que la Bretagne soit gouvernée par des forces qui ne soient ni socialistes, ni de l' UMP, mais par des partis bretons de droite et de gauche dont la finalité serait de se séparer de la France.Imaginez que la région Nord-Picardie aussi soit dirigée par d' autres partis picards et ch' ti qui auraient la même finalité séparatiste.Essayez d' imaginer que chez les indépendantistes il y ait différents partis avec les mêmes clivages droite-gauche et extrême-gauche mais qu' ils soient réunis par le même désir d' indépendance qui primerait sur toute autre considération, et vous aurez une petite idée du casse-tête espagnol.Lors de la dernière consultation en Catalogne à l' automne dernier tous les partis indépendantistes se sont présentés sous une même bannière JUNT PEL SI ( ensemble pour le OUI à l' indépendance)...une liste qui allait des libéraux jusqu' aux républicains communistes de Esquerra Republicana de Catalunya .

Il faut que vous sachiez que si Pedro Sanchez avait accepté l' idée d' un référendum en Catalogne il serait déjà à l' heure où j' écris ces lignes le chef du gouvernement espagnol.Oui,vous ne le savez probablement pas, mais s' il avait cédé aux indépendantistes sur la question référendaire ça lui aurait donné les clés du pouvoir.

Comment se situe PODEMOS face à ce défi indépendantiste ?

Pablo Iglesias est en faveur de donner aux catalans le droit à l' autodétermination.Son idée c' est de faire comme Cameron.Organiser le référendum et le gagner.Faire le pari que les catalans resteront en Espagne...C' est une option qui est jouable mais très dangereuse dans le contexte actuel de crise économique , car, nombreux sont ceux qui sont prêts à faire le saut indépendantiste uniquement pour des motifs purement égoistes.

Les socialistes espagnols ne sont pas prêts à jouer au poker avec l' intégrité territoriale du pays, et je les comprends.Il y a d' autres cartes à jouer comme celle de proposer une modification de la constitution qui donnerait à la Catalogne un statut confédéral...

Le déclin du parti socialiste espagnol est une mauvaise nouvelle pour tous ceux veulent maintenir l' unité de l' Espagne.En effet, ce parti était le ciment national qui liait toutes les régions car il était fortement implanté dans chacune d' entre elles, y compris la Catalogne et le Pays basque.

L' émergence d' un parti comme PODEMOS a eu comme effet collatéral de donner encore plus de force aux partis indépendantistes car ils se voient légitimés dans leur désir d' organiser un scrutin d' autodétermination.

Revenons maintenant aux possibilités de gouvernements qui s' offrent au pays à l' avenir.

J' ai écouté hier soir les principaux représentants de tous les partis, et je vous fais le point sur la situation actuelle au 6 Mars.

Le parti socialiste va s' ouvrir aux négociations avec les autres forces politiques en se présentant à la table conjointement avec les libéraux de CIUTADAN'S avec qui ils ont signé un accord qui, pour l' instant, reste en vigueur..

Il y a donc en gros 3 possibilités:

1- un accord de gouvernement d' union nationale avec la droite de Mariano Rajoy:

PSOE+Ciutadan's+PP...techniquement possible mais pratiquement inacceptable par la militance socialiste

2- un accord de gauche avec PSOE+PODEMOS+ Izquierda Unida + le parti nationaliste basque ( qui n' est ni séparatiste, ni de gauche non plus mais qui apporterait l' appoint nécessaire).

3- On retourne vers des élections en Juin et, dans ce cas, il n' y aura pas de gouvernement avant le mois d' août

Je terminerai ce billet par une boutade.

Le général De Gaulle disait que le problème en France c' est qu' il y avait plus de 365 sortes de fromages.De Gaulle aimait prendre ses vacances en Andalousie mais n' avait pas remarqué qu' en Espagne aussi, il y a une multitude de variétés de fromages....

Espagne en panne de gouvernement: le poids des régionalismes

Post-scriptum

Revenons à l' économie et à la vie quotidienne maintenant.Pendant que toutes ces forces se déchirent, le chômage bat son plein chez les jeunes avec un taux de plus de 40 %...des jeunes qui travaillent de manière précaire pour des salaires de l' ordre de 500 euros par mois.Oui, vous m' avez bien lu, le smic est à 650 euros et la majorité d' entre eux gagne moins...On nous dit que L' Espagne a l' une des meilleures croissances de l' ordre de 3% mais ça ne ne traduit pas en emplois stables.

Pendant que les forces politiques se déchirent, les jeunes qui ont reçu une bonne formation fuient un pays qui n' a plus rien de sérieux à leur offrir...

Pendant que tout le monde se divise sur ce qu' il faudrait faire, les forces vives du pays l' abandonnent.

C' est désespérant

La semaine dernière, pendant que je voyais chaque représentant de groupe parlementaire monter à la tribune de l' assemblée, j'étais saisi d' une rage intérieure.J' en ai marre des tribuns qui viennent parler au nom du peuple, qui viennent crier à l' injustice mais qui sont incapables de surmonter leurs divisions pour offrir une chance à ce pays.Marre aussi d' avoir une majorité de gauche incapable de gouverner à cause de ces histoires de séparatisme...

J' avais envie de leur hurler:

" Bande de Jean-foutres !!!

C' est pas avec des gens comme vous que mes enfants vont avoir un avenir...

Vous êtes incapables de vous mettre d' accord, ni de surmonter vos divisions pour faire de la récupération économique votre principale préoccupation..."

Ces pensées sont excessives et injustes, certes, mais le résultat des courses est bien le même.Pendant qu' on discute de ce qu' il faudrait faire, pendant que les indépendantistes tirent vers eux la couverture,on est toujours sans gouvernement 60 jours après des élections, et je vois tous les jours des jeunes qui partent la larme à l' oeil, mais qui partent quand même, sentant bien que la vie est courte et que s' ils attendent que l' Espagne se redresse pour se construire un avenir, ils vont laisser passer leur chance...

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commentaires

F
Face à une telle bouillabaisse comme on dit du coté de chez Rosemar, je ne vois qu'une seule solution, un bon petit dictateur qui prend le pouvoir et qui remet tout cela d'équerre.<br /> Finalement on vous file la démocratie et voilà ce que vous en faites. Ah il doit bien se marrer le Franco de là ou il brûle .<br /> Bon ce n'est pas beaucoup mieux chez nous, je te l'accorde.<br /> Mais bon, on va bientôt réglet tout cela.<br /> Poutine en Russie, Trump aux USA, Erdogan en Turquie,les chinois qui se surarment , plus les islamistes un peu partout .<br /> Une bonne guerre mondiale et tout cela va rentrer dans l'ordre.<br /> Ah, ça fait du bien d'être optimiste non?<br /> Plus sérieusement, on a le sentiment que tous ces petits partis indépendantistes agissent égoïstement. Quel avantage aurait-il à faire exploser l'Espagne?<br /> Honnêtement j'ai du mal à imaginer que ce serait mieux,à moins qu'ils imaginent vivre en totale autarcie, pensant vivre de leur production locale.<br /> Bonne soirée l'ami.
Répondre
A
Un dernier détail l' ami.<br /> L' option nº 3 nous renvoie au mois d' aout pour la formation d' un gouvernement...Ça, c' est pas bon pour les affaires.Les investisseurs se défilent devant le climat d' incertitude.La prime de risque de la dette s' envole...l' argent de la dette nous coûte plus cher...L' ingouvernabilité a un coût. L' Espagne n' avait pas besoin de ça ! Non seulement on n' avance pas mais en plus ça nous coûte de l' argent....
A
Bonjour Fatizo,<br /> J' ai longtemps hésité à faire ce billet car je ne savais pas par où commencer.<br /> C' est difficile pour un français pour qui l' unité nationale est acquise depuis des siècles de comprendre à quel point cette affaire peut compliquer la vie sociale d' un pays.Le fait qu' il y ait ici plusieurs langues officielles installe de facto des frontières bien nettes entre certaines régions, notamment la catalogne et le pays basque.Un partie importante de ces populations est sincèrement autonomiste dans le sens où elle se considère comme faisant partie d' une autre nation.Moi je pense que ces gens se trompent , et qu' ils ont fini par croire un mensonge mille fois répété mais eux sont sincères et ils ne le font pas pour des motifs économiques.Pour eux c' est une question d' être.Ils me disent la main sur le coeur: " Je suis catalan et je ne me sens pas espagnol..."Un de mes ex-collègues est reparti en Catalogne où il milite dans un parti pour obtenir le droit de faire ce référendum.<br /> Simplement ces gens-là, les vraiment sincère, ne forment pas une majorité...et si ce pourcentage indépendantiste s' est accrû c' est à cause de la crise.Les nouveaux convertis, ceux qui pourraient faire pencher la balance le sont pour des motifs économiques et donc égoistes.Les catalans aiment jouer les victimes en disant qu¡' ils subventionnent le bien-être du reste de la péninsule.C' est vrai et c' est faux...A partir du moment où l' activité industrielle ne s' est pas développée de la même manière sur le territoire, il est normal que les plus riches soient solidaitres des autres.En Italie il y a également une grosse différence entre le nord et le sud sans qu' il y ait pour autant de vélléités séparatistes.<br /> Mais finalement, et c' est là où je voulais en venir avec mon article ce problème a fini par avoir des conséquences au niveau national car si la gauche catalane avait appuyé Sanchez celui-ci serait déjà chef du gouvernement.<br /> Enfin la position de PODEMOS ne me plait pas, mais parfois j' ai des doutes moi-aussi.Je me dis qu' une façon de couper l' herbe sous le pied des séparatistes c' est de faire comme Cameron.Il organise le scrutin et il le gagne, et basta !!!<br /> Enfin le pays basque et la Catalogne sont les parties les plus riches du pays: installées au coeur de l' Europe elles n' auraient pas de soucis pour leur économie...La catalogne a la taille du Danemark, et est donc un Etat viable.Simplement il faut bien compter.Le divorce serait couteux pour tout le monde, et la catalogne perdrait son premier client qui est le reste de la péninsule ibérique... <br /> En fait, nul ne conteste le fait que la Catalogne a la taille d' un Etat viable, simplement, je pense qu' elle a bien plus à perdre qu' à gagner avec l' indépendance car elle bénéficie des structures de l' Etat central.Rien que le fait d' entrer dans l' otan lui couterait une petite fortune par exemple...<br /> Un dernier détail important.La dette de la Catalogne est couverte par l' Etat espagnol, mais en cas d' indépendance, sa situation serait pire que celle de la Grece.Si la Catalogne sort de l' Europe ,et sans soutien de la BCE, elle est techniquement en faillite !!!<br /> Bon dimanche l' ami
R
Quel imbroglio ! Et même avec les explications claires que tu donnes, on a le vertige, avec en plus les velléités indépendantistes de certains... On a l'impression que le monde devient de plus en plus compliqué... Et, même avec des lois qui favorisent le licenciement, comme on veut les instaurer en France, le chômage reste un gros problème : pourra-t-on le résoudre, face à la mécanisation et la robotisation galopantes ?<br /> <br /> Belle journée, AJE
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A
Effectivement c' est un imbroglio.Et encore, je t' assure que j' ai simplifié.La Catalogne et le pays basque sont presque comme des états dans l' état.<br /> Malgré les difficultés à satisfaire les uns et les autres il reste suffisemment de points communs entre les forces de gauche pour bâtir un programme de gouvernement et de réformes.Il y a tant à faire.<br /> L' Espagne a besoin d' un plan d' urgence pour l' emploi et encore une fois la carte des régions est très différenciée.9% de chômage au pays basque et de l' ordre de 30% dans la province de Cadix...Le gros de l' activité industrielle se situe dans le Nord.<br /> Je vis dans une région du littoral qui vit beaucoup du tourisme et un peu de l' agriculture mais je ne vois pas l' activité industrielle décoller.Et on ne voit rien à l' horizon qui puisse inverser la tendance.En Europe c' est pareil, l' emploi stagne...le chômage est devenu systémique...<br /> Bon dimanche l' amie