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26 novembre 2017 7 26 /11 /novembre /2017 09:56

Bonjour les amis,

Ce matin en ouvrant ma page facebook il y avait une belle photo simple et sans artifices, prise à partir des cotes du Nord, et accompagnée de ces quelques vers du poète belge Emile Verhaeren:

"La mer est belle et claire et pleine de voyages
Et les flammes des horizons, comme des dents,
Mordent le désir fou, dans chaque coeur ardent :
L’inconnu est seul roi des volontés sauvages."

 

Partez, avec le seul amour en vous  de l'étendue éclatante et hagarde...

Du coup, je suis allé lire dans son intégralité ce magnifique poème du grand auteur belge, un classique des lettres françaises que je ne connaissais pas ( ce qui est le comble pour quelqu'un comme moi qui est né en Terre de Flandres) . 

Alors, à mon tour de partager avec vous ce beau poème que je dédie à un bon ami,à l' esprit aventurier, qui a fait l' acquisition il y a quelques temps d' un beau voilier et qui va avoir du temps devant lui pour voyager...

                                             LE VOYAGE

Je ne puis voir la mer sans rêver de voyages.

Le soir se fait, un soir ami du paysage,
Où les bateaux, sur le sable du port,
En attendant le flux prochain, dorment encor.

Oh ce premier sursaut de leurs quilles cabrées,
Au fouet soudain des montantes marées !
Oh ce regonflement de vie immense et lourd
Et ces grands flots, oiseaux d’écume,
Qui s’abattent du large, en un effroi de plumes,
Et reviennent sans cesse et repartent toujours !

La mer est belle et claire et pleine de voyages.
A quoi bon s’attarder près des phares du soir
Et regarder le jeu tournant de leurs miroirs
Réverbérer au loin des lumières trop sages ?
La mer est belle et claire et pleine de voyages
Et les flammes des horizons, comme des dents,
Mordent le désir fou, dans chaque coeur ardent :
L’inconnu est seul roi des volontés sauvages.

Partez, partez, sans regarder qui vous regarde,
Sans nuls adieux tristes et doux,
Partez, avec le seul amour en vous
De l’étendue éclatante et hagarde.
Oh voir ce que personne, avec ses yeux humains,
Avant vos yeux à vous, dardés et volontaires,
N’a vu ! voir et surprendre et dompter un mystère
Et le résoudre et tout à coup s’en revenir,
Du bout des mers de la terre,
Vers l’avenir,
Avec les dépouilles de ce mystère
Triomphales, entre les mains !

Ou bien là-bas, se frayer des chemins,
A travers des forêts que la peur accapare
Dieu sait vers quels tourbillonnants essaims
De peuples nains, défiants et bizarres.
Et pénétrer leurs moeurs, leur race et leur esprit
Et surprendre leur culte et ses tortures,
Pour éclairer, dans ses recoins et dans sa nuit,
Toute la sournoise étrangeté de la nature !

Oh ! les torridités du Sud – ou bien encor
La pâle et lucide splendeur des pôles
Que le monde retient, sur ses épaules,
Depuis combien de milliers d’ans, au Nord ?
Dites, l’errance au loin en des ténèbres claires,
Et les minuits monumentaux des gels polaires,
Et l’hivernage, au fond d’un large bateau blanc,
Et les étaux du froid qui font craquer ses flancs,
Et la neige qui choit, comme une somnolence,
Des jours, des jours, des jours, dans le total silence.

Dites, agoniser là-bas, mais néanmoins,
Avec son seul orgueil têtu, comme témoin,
Vivre pour s’en aller – dès que le printemps rouge
Aura cassé l’hiver compact qui déjà bouge –
Trouer toujours plus loin ces blocs de gel uni
Et rencontrer, malgré les volontés adverses,
Quand même, un jour, ce chemin qui traverse,
De part en part, le coeur glacé de l’infini.

Je ne puis voir la mer sans rêver de voyages.
Le soir se fait, un soir ami du paysage
Où les bateaux, sur le sable du port,
En attendant le flux prochain dorment encor…

Oh ce premier sursaut de leurs quilles cabrées
Aux coups de fouet soudains des montantes marées !

Partez, avec le seul amour en vous  de l'étendue éclatante et hagarde...
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