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7 mai 2020 4 07 /05 /mai /2020 07:32

Bonjour les amis,

Je fais partie des millions (milliards?) de personnes qui ont le moral en berne car elles pressentent que l'irruption du covid dans notre vie nous fait entrer dans une nouvelle ère qui accentue de manière irréversible les tares déshumanisantes de notre civilisation.

Deux auteurs ont retenu mon attention sur ce sujet.

Commençons par la lettre de Michel Houellebecq à France-inter.

Houellebecq fidèle à son style porte un regard lucide et amer sur les conséquences très prévisibles de la pandémie. Il nous remet un peu les yeux en face des trous. Je partage son profond agacement  pour le "Rien ne sera plus comme avant" car il est permis de penser que notre avenir sera encore pire, que le virus nous a enfoncé un peu plus dans notre crise civilisationnelle, qu'il en accentuera les tares : méfiance de l'autre, repli sur soi, distanciation sociale, manque d'empathie pour l'autre, manque de liberté, soumission au diktat de normes contraignantes auxquelles on ne peut échapper, etc...

J'aimerais partager avec vous également ces réflexions du philosophe Abdennour Bidar.

Je ne lis pas son constat amer comme une critique des mesures que nous avons prises qui sont probablement techniquement correctes.

Son article nous fait prendre la mesure du sacrifice consenti. Pour sauver la vie, il nous a fallu renoncer à son essence, abandonner les nôtres sans soutien, ni physique ni moral.

Cela ramène notre civilisation par certains aspects au même niveau que celle d'une colonie de cloportes (j'exagère un peu le trait...). Cette abandon va laisser des traces et pour les plus touchés elle créera des traumatismes profonds.

Nous acceptons de nous enfermer dans une prison déshumanisante pour protéger notre vie "biologique" vidée de contenu social et devenue par la même occasion absurde et dénuée de sens.

Je dédie ce petit billet à ma maman de 80 ans qui est veuve, en bonne santé et autonome. Elle a accepté sans trop rechigner la première phase de confinement mais maintenant elle entre en rébellion. Elle a toujours eu une vie sociale très active et elle n'est pas disposée à ce que ce virus l'enterre vivante chez elle...Elle n'est pas disposée à renoncer à ce qui a fait sa vie, et en assume pleinement les conséquences éventuelles.

Elle est peut-être en train de vivre ses dernières années de vraie liberté, pouvant aller et venir où elle veut et à sa guise, et elle n'est pas disposée à entrer dans ce monde orwellien que nous augure ce maudit virus. Je la comprends...

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commentaires

L
Ce que j'aime le plus de cette nouvelle vie est bien le fait que personne ne viendra plus se jeter sur mes joues y imprimer des baisers... c'était le plus insupportable, et je m'y pliais contre mon plein gré... :-)<br /> Un bonjour chaleureux pour ta brave mama italienne.
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A
Tu es un peu une exception car les orientaux et les latins, on aime se toucher. Merci pour la mamma qui est en train de prendre un coup au moral. Ce confinement ne lui réussit vraiment pas...Je lui dis de sortir quand même , mais de ne pas mettre les pieds dans les locaux publics tels que les magasins,etc...
S
Pour diverses raisons que je ne vais pas développer ici, je tiens comme totalement acquis qu'une grande partie du monde (dont nous faisons partie) a depuis 30 ans plongé dans une forme d'obscurantisme encore pire que le Moyen Age. Pour la première fois dans l'Histoire même les mots ne veulent plus rien dire dans l'espace public : l'ère de la post-vérité quasi omniprésente . Et la négation du réel est toujours une négation de la souffrance d'autrui. Il ne fait aucun doute à mes yeux que le monde de demain sera le même qu'aujourd'hui mais en pire.
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A
Beaucoup de personnes croient que le répit que nous venons de donner à la planète va nous servir de leçon mais malheureusement c'est sans doute le contraire qui va se produire. Tous les pays endettées auront à coeur de relancer leur économie...et ce sera reparti pour un tour...
R
La négation de la vie : méfiance, distanciation, des masques qui barrent les visages... oui, un monde déshumanisé, triste... Bon, Houellebecq est un grand pessimiste, mais il est aussi clairvoyant...<br /> L'article de Bidar est aussi très intéressant et rempli de lucidité.<br /> <br /> Belle soirée, AJE
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A
Houellebecq est une bonne boussole qui ne perd pas le nord. Il me rassure d'une certaine façon...Il faut voir ce que j'entends autour de moi. Certains m'annoncent déjà la fin du capitalisme. J'ai presque envie de leur répondre que ça fait 2 siècles qu'on me l'annonce...<br /> Le texte de Bidar est une espèce de rappel à l'ordre qui nous permet de mesurer l' étendue de notre faillite. Je pense à toutes ces familles traumatisées par le décès d'êtres chers qu'elles n'ont pu accompagner dans leurs derniers instants...Traumatisant...pas simple de faire son deuil...En fait je crois qu'il y aura beaucoup de deuils "impossibles".<br /> Bonne soirée l' amie
M
Houellebecq, Abdennour Bidar, tu as de bonnes références...<br /> Je les apprécie tous les deux. <br /> Je partage leur pessimisme.<br /> bonne soirée à toi,<br /> Mo
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A
Oui ce sont deux voix qui me parlent et qui m'aident à comprendre ce drôle d'état dans lequel je me sens. <br /> La lutte contre le virus nous a fait aller très loin dans la négation de nous-mêmes. Toutes ces personnes qui ont dû laisser à l'hôpital un être cher qu' elles n'ont pas pu soutenir de leur présence...ça va laisser des marques...ça va provoquer des deuils impossibles. Ça nous requestionne aussi...<br /> Bonne fin de soirée l' amie