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5 mars 2024 2 05 /03 /mars /2024 09:38

Bonjour les amis,

Dans la liste des meilleurs films sélectionnés pour la cérémonie des Oscars il y a LA ZONE D'INTÉRÊT de Jonathan Glazer qui a adapté le roman éponyme de Martin Amis.

Voici le synopsis suivi de la bande annonce:

Le commandant d’Auschwitz, Rudolf Höss, et sa femme Hedwig s’efforcent de construire une vie de rêve pour leur famille dans une maison avec jardin à côté du camp.

 

Cette fois-ci le parti pris n'est plus de nous montrer l'horreur des camps d'extermination (qu'on connaît pratiquement par coeur) mais de la juxtaposer d'une manière qui sidère le spectateur à la vie tranquille et bucolique de la famille du chef de camp.

Seule la bande-son lancinante, obsédante et omniprésente formée par les bruits du camp, les cris des gardiens et ceux des victimes, les clameurs confuses et angoissantes, les coups de feu sporadiques et le grondement sourd et continu des fours qui tournent à plein rendement nous laisse entendre que ce qui se trame au delà du mur d'enceinte de la propriété dépasse l'imagination. C'est la bande-son qui distille un malaise presque constant chez le spectateur, comme une toile de fond sonore dantesque, cauchemardesque.

Les qualités formelles du film sont indéniables. Voici un extrait de la critique du MONDE:

"Cadrages d’une rigueur maniaque, composition géométrique, fixité des plans, découpage au scalpel. Le dispositif mis en place par Glazer – dix caméras fixes postées à plusieurs endroits – place sous contrôle chacune des pièces de la maison et ce qui s’y joue."

Mais sur la fiche Allociné du film un spectateur (nommé Henner) a résumé à la perfection ce que j'ai ressenti moi-même:

"Ce n’est pas parce que l’on tient un sujet fort que le film est réussi. Bon c’est très bien réalisé, très bien joué mais avec des séquences difficilement compréhensibles et bizarrement l’émotion ne passe pas. Le propos ne se développe pas.Tout est dit en un quart d’heure et ensuite on tourne un peu en rond..."

Rien à dire de plus. Esthétiquement c'est très travaillé et chaque plan est composé comme un tableau. Parfois c'est allégorique comme, par exemple, la caméra qui s'approche et s'arrête sur une fleur: on entend les abeilles qui vrombissent, mais peu à peu, ce sont des cris lointains de suppliciés qu'on entend.

Malgré ce que dit Henner le film se laisse voir et il est moins assommant que certaines oeuvres cinématographiques d'Art et Essai "pour intellos" mais il m'a fallu passer une soixantaine de minutes pour comprendre qu'il ne m'apprendrait rien que je ne sache déjà sur les camps. J'en ai appris juste un peu plus sur la technologie des fours que les ingénieurs ont amélioré pour pouvoir les faire fonctionner de manière continue et augmenter les cadences. L'intérêt de cette oeuvre donc est ailleurs.

Ce que nous montre Jonathan Glazer c'est la vie au quotidien des nazis qui s'intéressent aux fleurs et aux petits oiseaux tout en cotoyant sans aucun état d'âme la pire des horreurs imaginables.

C'est une espèce d'équation impossible qu'on n'arrive pas à faire entrer dans notre esprit...et pourtant les nazis et leurs familles ont vécu cette horreur-là de cette manière-là. C'est cette banalité du Mal dont nous parlait Hannah Arendt. Le film montre cette banalité sans la justifier bien sûr et sans l'expliquer non plus car telle n'était pas le prétention du réalisateur. Hedwige, la femme de Rudolph Höss, très bien interprétée par Sandra Hüller, n'est dupe de rien et sait parfaitement ce qui se passe derrière le mur d'enceinte sans que ça n'altère son rêve de réalisation de vie familiale idéale à Auschwitz. Quand son mari est muté, elle ne le suit pas et insiste pour rester au camp avec les 5 enfants. Seule la mère d'Hedwige prend la décision de fuir loin de cette barbarie.

Il y a une scène vers la fin du film qui illustre bien cette forme d'absurdité et de monstruosité tragique. Höss est invité à une grande fête de dignitaires nazis dans un palace avec de grandes hauteurs sous plafonds et, au lieu de profiter pleinement de ce moment fort de sa carrière, il reste un peu à l'écart. Perdu dans ses pensées il essaie d'imaginer comment il faudrait s'y prendre d'un point de vue logistique pour arriver à gazer efficacement tous ces gens dans un tel espace assez vaste. Ce ne serait pas facile, songe-t-il. Höss est complètement "ailleurs" et happé dans son univers qui fabrique la mort de manière industrielle.

De quoi rappeller le titre de l'excellent roman de Robert Merle: LA MORT EST MON MÉTIER.

LA ZONE D'INTÉRÊT...un exercice de style glaçant...
LA ZONE D'INTÉRÊT...un exercice de style glaçant...
LA ZONE D'INTÉRÊT...un exercice de style glaçant...
LA ZONE D'INTÉRÊT...un exercice de style glaçant...
LA ZONE D'INTÉRÊT...un exercice de style glaçant...
LA ZONE D'INTÉRÊT...un exercice de style glaçant...
Certaines images sont filmées avec une caméra thermique...

Certaines images sont filmées avec une caméra thermique...

LA ZONE D'INTÉRÊT...un exercice de style glaçant...
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4 mars 2024 1 04 /03 /mars /2024 12:54

Bonjour les amis,

J'avais applaudi sur mon blog, il y a quelques semaines de cela, le premier film nord-américain anti-woke de Denys Arcand intitulé TESTAMENT en soulignant qu'il serait temps que les états-uniens produisent eux aussi un premier film qui s'attaque aux méfaits du wokisme.

C'est maintenant chose faite avec  AMERICAN FICTION, film de Cord Jefferson sélectionné pour les Oscars, qui est une adaptation du roman EFFACEMENT de Percival Everett.

Voici le synopsis suivi de la bande annonce.

Thelonious "Monk" Ellison, professeur d'anglais, écrit un roman satirique sous un pseudonyme, dans le but de dénoncer les hypocrisies de l'industrie de l'édition.

https://www.youtube.com/watch?v=9MY6KFvjnds

Ce qui m'a surpris dans ce film c'est le mélange des genres car il y a à la fois la satire et l'humour grinçant qui y sont très présents, mais tout cela est aussi immergé dans un drame familial grave et profond qui ne prête pas du tout à sourire et auquel il faut ajouter une rencontre entre Monk et Coraline qui nous plonge par ailleurs dans une tendre comédie romantique.

C'est Monk qui, par son attitude décalée et par son humour fin, provoque les situations drôlatiques, voire parfois complètement désopilantes. C'est aussi Monk qui, en tant que noir, en a plus que ras-le-bol d'être enfermé dans un personnage de supposée victime du racisme des blancs. Il doit affronter des blancs antiracistes très wokistes qui en font trop et qui se sentent constamment en dette vis-à-vis de lui. Mais ces mêmes blancs le cantonnent aussi dans un rôle et lui demandent de produire une culture black héritée des ghettos et du rap, une culture pleine de clichés et de stéréotypes, car c'est ça qui se vend et que les gens attendent de lui...Monk, éxaspéré, finit par un écrire un pastiche de roman "noir", une oeuvre à prendre au 2ème degré mais qui rencontre un succès au 1er degré, ce qui sera à l'origine de situations assez drôles et de quiproquos.

Voici ce qu'on peut lire dans le magazine PREMIÈRE:

American Fiction parvient aussi à toucher lors de séquences familiales qui sonnent juste, et qui offrent un exemple crédible de ce que dénonce justement son héros, avec sa vie "normale" et pourtant compliquée : sa mère malade, son frère rejeté depuis son coming-out, ses problèmes d'argent, mais aussi cette pointe d'espoir donnée par des exemples positifs tels que la fidèle Lorraine (Myra Lucretia Taylor), toujours présente pour soutenir ses proches.

Trouver l'équilibre entre ce besoin de dénonciation légitime et l'envie de proposer un portrait réaliste d'un homme noir américain sans qu'il ne soit question de drogues ou de bavures policières est assez périlleux, et par endroits, American Fiction souffre de quelques lourdeurs tant il tient à réunir tous ses messages en un seul film, mais l'idée de fond est assez forte et bien abordée pour marquer les esprits.

Une impression plutôt mitigée donc.

Je me dois d'ajouter que le cinéma de Cord Jefferson reste toujours très élégant et sait toucher le coeur du spectateur, malgré certaines lourdeurs pointées du doigt à juste titre dans l'article de PREMIERE que j'ai mis en lien ci-dessous.

A noter également un très beau casting avec des acteurs que je ne connais pas vraiment mais qui apportent tous beaucoup de chaleur humaine et de réalisme social à ce film. J'ai par ailleurs particulièrement apprécié la romance entre Monk et Coraline qui est interprétée avec beaucoup de justesse et de charme par Erika Alexander.

Coraline (Erika Alexander) et Monk (Jeffrey Wright)

Coraline (Erika Alexander) et Monk (Jeffrey Wright)

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